La bible de la vie - Conte de Noël

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Un roi avait douze fils. Fatigué de régner, il les fit venir les douze auprès de lui pour décider lequel le remplacerait.

Le premier était un voleur. Je vous raconterai son histoire une autre fois.

Le deuxième était un bon chef d'entreprise. Mais, lui dit le vieux roi, mon Royaume ne se gère pas comme une entreprise.

Le troisième ne s'intéressait qu'aux vêtements.

le quatrième, qu'à la bonne chère. J'aime les beaux vêtements et les délicieux festins, dit le vieux roi. Mais quand aurez-vous le temps de vous occuper de mes sujets ?

Le cinquième n'était pas là. Il faut vous dire qu'on le recherchait pour meurtre.

Le sixième avait la passion des oiseaux. Je nourris les oiseaux du ciel aussi bien que les humains, lui dit le vieux roi. Mais je crains que toi, si tu me succédais, tu nourrisses seulement les oiseaux, et que tu oublies les humains.

Le septième avait pour son père une profonde admiration. Il cherchait en tout à lui ressembler. Qui es-tu vraiment ? lui dit le vieux roi. Tu ne peux pas régner si tu ne le sais pas.

Le huitième était très riche. Ça ne se remarquait pas : il ne roulait pas en Rolls, ne s'habillait pas chez les grands couturiers, ne portait pas une Audemars-Piguet à son poignet, n'habitait pas un palais sculpté dans l'or et le marbre. Non : ses richesses, il les distribuait, et avec son argent il nourrissait les pauvres.

Si tu me succèdes, lui demanda le vieux roi, que feras-tu pour ceux qui meurent de faim ? Le huitième fils lui répondit : je construirai une très, très grande boulangerie ; j'y manderai les meilleurs boulangers ; j'y ferai apporter toute la farine nécessaire. Et chaque nuit les boulangers pétriront et cuiront le pain, chaque matin les marchands de pain iront les distribuer à ceux qui en auront besoin.
 
Ça ne va pas, dit le roi. Ils resteront toujours dépendants de toi  et si par malheur tu venais à mourir, ils seraient plus affamés qu'auparavant.

Le neuvième fils était un magicien  et un clown. Un bon magicien ; tenez, par exemple, lorsque la tempête avait arraché le toit de la maison du jardinier, hop ! d'un claquement de doigts il l'avait remis à sa place.

Si tu me succèdes, lui demanda le vieux roi, que feras-tu pour les malades ? D'un claquement de doigts, dit le neuvième fils, je détruirai tous les microbes, tous les virus, tous les poisons. Et les maladies disparaîtront du Royaume.


Ça ne va pas, dit le roi. Va donc, un de ces jours, parler à un malade. Et tu apprendras de lui tout ce que sa maladie lui a enseigné, et comment d'être malade l'a rendu plus humain.


Le dixième fils était très fort. Il pouvait arrêter un éléphant en pleine course, soulever une maison de dix étages, et bien d'autres choses qu'il serait inutile de détailler.

Si tu me succèdes, lui demanda le vieux roi, que feras-tu des ennemis du Royaume ? Je les exterminerai de mes mains, un à un, répondit le dixième fils. Et le Royaume sera en paix pour toujours.

Ça ne va pas, dit le roi. Les ennemis du Royaume sont aussi des humains, ils ont aussi le droit de vivre. Et je n'aime pas la violence.

Le onzième fils était très, très intelligent, et il savait très, très bien expliquer les choses. Il savait tout de la philosophie, de la théologie, des sciences, de l'astronomie, des mathématiques. Et lorsqu'il se trouvait devant un contradicteur, en quelques phrases (ou en quelques pages) il le convainquait de changer d'opinion. L'autre finissait toujours par avouer : tu as raison, je me trompais. J'ai tout à apprendre de toi.

Si tu me succèdes, lui demanda le vieux roi, que feras-tu avec les malfaiteurs ?


J'irai les voir, dit le onzième fils. Je leur expliquerai pourquoi ils doivent changer de vie. Je les convaincrai, et les meurtriers deviendront doux comme des agneaux, les escrocs deviendront honnêtes, les marchands de drogue jetteront aux orties leurs marchandises de mort.

Ça ne va pas, dit le roi. Car ainsi tu en feras seulement des esclaves, incapables de penser par eux-mêmes, qui ne feront que répéter ce que tu leur as dit. Ce n'est pas ainsi que je rêve la vie des humains.

Le douzième fils était poète, et jardinier. Tout le temps qu'il ne passait pas à arroser ses salades ou à soigner ses rosiers, il l'occupait à se promener dans les rues de la ville, et s'arrêtait ici pour dire un conte, là pour chanter une chanson… une troupe d'enfants le suivait partout ; les gens bien-pensant estimaient qu'il n'avait ni une tenue, ni des occupations dignes d'un prince, les mendiants l'aimaient bien, et parfois le vieux roi le regardait partir avec un sourire songeur.

Et toi, si tu me succèdes, lui demanda le vieux roi, que feras-tu dans le Royaume ?


Je cueillerai chaque jour une rose, dit le douzième fils. Et chaque jour j'irai à l'hôpital, et j'offrirai la rose à un malade. Ensemble nous la regarderons et nous nous réjouirons de sa beauté, nous la sentirons et nous apprécierons son parfum. Je prendrai chaque jour un morceau de pain, et j'irai vers quelqu'un qui n'en a pas. Nous le partagerons et nous le mangerons ensemble, et ce sera le festin de l'amitié. Chaque jour, j'irai m'asseoir dans une des tavernes où se réunissent les meurtriers, les escrocs et les marchands de drogue. Je resterai là ; parfois je parlerai avec eux, je les écouterai. J'essaierai de les comprendre, mais je leur dirai aussi que je n'aime pas ce qu'ils font. Je ferai de même avec les ennemis du Royaume. Peut-être m'écouteront-ils tout de suite, peut-être faudra-t-il du temps. Je ne cesserai jamais de les respecter même si leurs actions et leurs guerres me mettent très en colère.

C'est bien, dit le vieux roi. Tu me succèderas. Et que ton règne soit béni.


Alors le fidèle chambellan qui assistait à l'entretien demanda la parole. Sire, dit-il, je ne comprends pas. Ton Royaume pourrait être délivré des maladies, des ennemis, des malfaiteurs, de la faim  et tu ne le veux pas ?

Tu n'as pas compris, dit le vieux roi. Et je ne t'en veux pas de ne pas comprendre. C'est difficile à comprendre, surtout lorsqu'on est en butte à la faim, à la maladie, à la guerre, à toutes les souffrances. Mais fais-moi confiance, et fais confiance au fils que j'ai choisi. Quiconque l'écoute ou le regarde apprend à aimer, à respecter la vie, toute la vie, le plus petit souffle de vie, la plus infime trace de vie.

Et c'est cela que je rêve pour chaque humain : qu'il aime la vie…Va, mon fils, dit le vieux roi.

 

Fais comme tu l'as dit. Moi aussi, avec toi, avec eux, je me réjouirai de la vie.

 



Yolande Nicole Boinnard
 

 

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12/12/2015
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