Les papillons-coeurs

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 Ce qui est important c’est notre coeur, parce que Dieu regarde au coeur...

 

Autrefois, dans un pays lointain et merveilleux, régnait le bon roi Théodore.  Celui-ci souhaitait par-dessus tout le bonheur de son unique enfant, la princesse Aimée et, bien sûr, la prospérité du royaume. C'était aussi le pays des papillon-coeurs. Ceux-ci n'étaient pas des papillons ordinaires : leurs ailes étaient en forme de coeur.


Tous les matins chacun se posait sur une fleur, la réveillait, lui faisait sa toilette et en faisait une beauté. Le soir, ils les refermaient et les endormaient jusqu'au lendemain. Et si une fleur était fatiguée, son papillon la faisait dormir jusqu'au printemps suivant. Grâce à eux, il n'y avait jamais de fleur fanée dans ce beau royaume. Et le roi punissait sévèrement ceux qui faisaient du mal à ses papillons-coeurs. La princesse Aimée admirait leurs couleurs et leur grâce. C'est en carrosse qu'elle leur rendait visite, dans tout le pays. Le cocher n'empruntait que des chemins agréables, pas de cahot, pas de boue. Il était à peine plus âgé qu'elle et toujours souriant. Mais il connaissait parfaitement l'art de mener des chevaux. Il s'appelait Léo. Son habileté et son regard franc lui valaient la confiance du roi et l'amitié de la princesse. Mais, hélas, il n'était pas noble ! Le prince de Malriche, futur roi du pays voisin, voulait à tout prix posséder ce magnifique royaume : épouser la princesse Aimée semblait la meilleure solution. Mais il lui fallait encore convaincre ce roi Théodore qu' il appelait méchamment "le père papillon ".


Un jour, il se rendit au château pour le voir. Il croisa le carrosse de la princesse Aimée qui partait voir ses amis papillons. Avec audace il lui dit : Princesse, il serait bon que des mains plus nobles vous guident. Votre jeune serviteur devrait se contenter de plus basses besognes. Je vais le remplacer ! Léo s' éloigna sans aucune résistance. Il savait que ses chevaux devineraient en ce prince, un personnage autoritaire et brutal. Et ce fut ainsi. Dans ce carrosse mal conduit, la princesse Aimée fut bien secouée. Elle dit au prince de Malriche : Rentrons à présent. Je déteste les cahots. Mon cocher Léo est bien plus avisé que vous. Quand il entendit ces mots, le prince fut profondément vexé et se saisit du fouet. Il se mit à frapper les chevaux. Ceux-ci eurent tellement mal qu'ils se cabrèrent violemment. Le carrosse se renversa. Par chance, la princesse Aimée put en sortir précipitamment. Dégoûtée par cette aventure imprévue et dangereuse, elle lança : Je préfère rentrer à pied ! Léo, qui n'était pas très loin ne put s'empêcher de sourire.


Heureusement le Prince ne l'avait pas vu ! Il se retourna vers le jeune homme et dit avec orgueil :
Ces chevaux sont très mal dressés, on devine que tu es loin d'être noble, pauvre cocher ! Je vais atteler les miens au carrosse et je ferai le même parcours. Alors tu verras leur noblesse, leur vigueur, leur obéissance. J'espère que cela te servira de leçon ! Peu de temps après, il revint avec deux chevaux, certes puissants mais presque sans regard. Il les attela au carrosse. Hélas, pour le faire, il s'aidait même du fouet ; pauvres bêtes !


Tout était maintenant prêt pour le départ. Un coup de fouet lacéra le dos des deux montures. Aussitôt le carrosse s'ébranla. Les chevaux galopaient, mais de toutes ses forces, le prince fouettait, fouettait. Une fois accompli le trajet, il revint auprès de Léo et dit avec mépris : Si tu peux aller encore plus vite demain, toi, le pauvre, toi, l'ignorant, toi, le rustre, et bien tu épouseras la Princesse Aimée, ma princesse. Le roi lui-même sera là : ce père Papillon m'obéira ! Et il se mit à ricaner méchamment...Comme le soir tombait, chacun rentra chez lui. Après un léger repas, Léo et Aimée se couchèrent, lui dans sa pauvre maison, elle dans son magnifique château. Quand ils furent endormis, les étoiles se mirent à danser dans le ciel. Alors un petit point lumineux s'échappa de leur coeur à tous deux. Les points d'abord minuscules se mirent à grandir et devinrent deux coeurs. Chacun avait la taille d'une aile de papillon. Les deux coeurs dorés se réunirent dans la nuit noire et formèrent un papillon-coeur sans corps. Celui-ci voleta jusqu'à l'écurie, y pénétra et juste au-dessus des sabots des chevaux se mit à battre rapidement des ailes. Alors la poudre d'or qui les recouvrait tomba et les chevaux se sentirent devenir légers : à présent leurs sabots effleuraient à peine le sol. Mais personne ne pouvait le voir.


Pendant ce temps le prince de Malriche était retourné au château du roi Théodore pour tout lui expliquer : le lendemain, s'il ne donnait pas sa fille au vainqueur du défi, et bien ça serait la guerre ! Le lendemain, comme convenu, accompagné d'Aimée, le bon roi Théodore, fort contrarié par ce défi, arriva à l'heure exacte à l'endroit d'où partirait le carrosse. Pour lui, le sort semblait déjà fixé, le prince de Malriche avait été si rapide ! Hélas, ce Prince ne lui plaisait pas du tout. Certes, il était immensément riche, mais si orgueilleux, si vaniteux que le bon roi préférait ne plus le rencontrer. Jamais Aimée ne pourrait être heureuse auprès de lui. Ce prince de malheur voulait se marier pour posséder le royaume et rien d'autre : il n'avait pas vraiment de coeur.


Quand au jeune Léo... il n'était pas riche bien sûr, mais Aimée et lui étaient de grands amis ! Et notre bon roi Théodore se mit à rêver. Soudain, près de lui, il aperçut Léo, debout, entre ses deux chevaux. Bizarre, leurs sabots n'avaient fait aucun bruit ! Ils ne touchent pas terre, pensa-t-il, c'est magique ! Calmement et toujours sans bruit, Léo attela ses chevaux au carrosse.


À cet instant, la princesse Aimée se prépara à y prendre place. Galamment, Léo lui tendit la main. Alors venant on ne sait d'où surgit une nuée de papillon-coeurs qui se plaça tout autour du carrosse. Ils se mirent à battre des ailes. À présent, le lourd carrosse était devenu plus léger qu'une plume. Soudain le papillon doré sans corps apparut. Il voleta vers le roi et lui murmura à l'oreille : Si vous les encouragez, ils vont gagner ! Et le bon roi Théodore se mit à sourire. Il lança un regard plutôt moqueur au prince de Malriche prétentieux, avide de puissance et de gloire. Celui-ci, qui n'avait rien remarqué, dit à Léo : Pauvre cocher, il fallait leur donner à manger à ces chevaux : leurs pattes maigrelettes ne tiendront pas cent mètres ! Tu as perdu d'avance petit paysan. Mais Léo n'écoutait pas ces propos méprisants : il parlait aux chevaux qui hochaient la tête. Il les embrassa et prit sa place de cocher. Comme convenu, le roi donna le départ. Il cria :  Allez-y les enfants ! Sans un bruit ils partirent.


Les chevaux de Léo, filaient à la vitesse de l'éclair. Le prince de Malriche ne vit rien, n'entendit rien. C'était incompréhensible ! Dépité, il partit sans rien dire. Mais il revient sur ses pas et dit d'un ton railleur : Hé, père papillon, ta princesse Aimée ne mérite pas mieux qu'un cocher et n'oublie pas, demain c'est la guerre ! Puis il s'éloigna. À peine avait-il tourné le dos que le carrosse apparut. Il s'arrêta devant le roi Théodore. Celui-ci, tout sourire, dit à Léo : Je te nomme prince et te donne la main de ma fille ! Mais son sourire disparut. Il annonça tristement : Demain c'est la guerre. Hélas nous n'avons pas d'armée pour nous défendre. Et tous trois rentrèrent prestement. Pourtant personne n'avait envie de dormir : ils restaient là, assis autour de la table, sans bouger, sans parler. Soudain le papillon doré apparut. Alors une douce voix chuchota : N'ayez crainte tout se passera bien ! Et le papillon sans corps voleta au-dessus du roi Théodore, du prince Léo et de la princesse Aimée. Un peu de poudre d'or tomba sur chacun d'eux. Alors leur coeur devint léger, léger...Et la nuit passa tranquillement...

 

Face au château, posés sur la cime des arbres, les papillon-coeurs veillaient. Le matin, au réveil, le bon roi Théodore regarda de loin par sa fenêtre. C'était incroyable. Un haut mur protégeait à présent son royaume. Il prit sa longue vue et observa cet étrange rempart. Il était uniquement fait de milliards de papillon-coeurs. Ils se tenaient là, ailes écartées, magiquement immobiles. Chaque fois qu'un boulet de canon criminel tentait de franchir ce fragile rempart, ils se mettaient à battre rapidement des ailes. Aussitôt un nuage de poudre colorée enveloppait le projectile destructeur. En peu de temps le boulet n'était plus qu'un ballon coloré, bien plus léger qu'un papillon. Les ballons s'élevèrent dans le ciel. La nuit tombée ils devinrent de magnifiques étoiles filantes : des vertes, des rouges, des bleues. Le spectacle était magnifique...Complètement ahuris, le prince de Malriche et ses soldats regardaient béatement le ciel; à présent ils ne pouvaient plus bouger. Ils s'étaient transformés en rochers tant la surprise avait été grande. Le roi Théodore, ainsi qu'Aimée et Léo, poussèrent un énorme soupir de soulagement : il n'y avait pas eu de guerre. À cet instant chaque papillon-coeur regagna sa fleur et la vie reprit encore plus belle qu'avant.

 

 

 Monique Léty

 

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03/04/2013
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